Surprise à trois reprises

Les chaises en plastique grincent alors que les gens commencent à prendre place. Le murmure des voix s’éteint en même temps que les lumières de la maison. Le projecteur bourdonne et un écran blanc brille, la seule « fenêtre » qui brise les murs unis et le plafond insonorisé.

C’est une salle de conférence, comme n’importe où dans le monde – jusqu’à ce que l’orateur commence:

J’aimerais commencer par reconnaître que l’Université Concordia est située en territoire autochtone, lequel n’a jamais été cédé. Je reconnais la nation Kanien’kehá: ka comme gardienne des terres et des eaux sur lesquelles nous nous réunissons aujourd’hui.

Et si la reconnaissance des territoires bouleverse l’uniformité de nos espaces pour en faire des lieux?

Ailleurs, les fans sont prêts – sur le bord de leur siège – emportés par l’enthousiasme pour leur équipe. Ils se rappellent les victoires et les tragédies, les héros et les rivaux. Ils font partie de l’histoire de cette équipe, ce qui implique de se lever pour l’hymne national.

Mais alors une annonce retentit dans les haut-parleurs: La Place Bell MTS est située sur les terres du Traité n° 1, les territoires originaux des peuples Anishinaabe, Cree, Oji-Cree, Dakota, Lakota et Dene, et la patrie de la Nation Métis.

Et si la reconnaissance des territoires perturbait les divisions, appelant les gens au-delà de leurs petites loyautés, dans une histoire plus grande?

Dans une autre pièce, sur un autre onglet, il y a une autre distraction. Clic, clic, clic. Certains sites sont fluides, d’autres se chargent trop lentement. Certains ont trop de publicités, d’autres sont mélangeant. En passant d’une page à l’autre, le temps s’écoule facilement.

L’internet est son propre monde désincarné, à la fois à deux mètres et à un million de kilomètres – sauf parfois une déclaration:

Coracle Marketing exerce ses activités sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé des kʷikʷəƛ̓əm (Kwikwetlem), sq̓əc̓iy̓aɁɬ təməxʷ (Katzie), Semiahmoo, Kwantlen, S’ólh Téméxw (Stó : lō), et d’autres peuples salishs de la côte.

Et si la reconnaissance des territoires « localisait » les personnes et les produits de l’internet, d’une manière qui inspire l’empathie?

Réveiller l’émerveillement

Dans notre monde mondialisé – où les styles et les matériaux de construction sont standardisés et où les franchises sont délibérément génériques – la reconnaissance de territoire me rappelle que je me trouve dans un lieu spécifique. Elle reconnaît non seulement la présence historique et continue des peuples autochtones, mais aussi la terre elle-même.

L’histoire chrétienne de la création affirme que le monde de Dieu est un chef-d’œuvre qui est bon. Les différences géographiques créées n’ont pas besoin d’être peintes uniformément. Bien que ces limites soient souvent cachées sous les bâtiments et l’asphalte, lorsque la terre physique est reconnue, j’ai l’occasion de m’émerveiller d’être dans un endroit spécifique sur lequel Dieu a dit: »c’est bon ».

Souviens-toi de ce qui a été partagé

Dans notre monde divisé – où les gens se retrouvent dans des camps politiques et des récits du genre « nous » et « eux » – la reconnaissance des territoires me rappelle que je fais partie d’une histoire plus grande: celle de l’humanité.

Ma foi chrétienne m’enseigne que les histoires de l’humanité sont importantes. C’est une histoire qui remonte à la création et qui va jusqu’au jour où Dieu restaurera toutes choses. Lorsque je suis prise dans une chambre d’écho particulière, c’est facile de ne voir que des parties de l’histoire, une version unique des événements actuels ou un seul récit de l’avenir.

Il est vrai qu’une reconnaissance publique des territoires ne peut pas dire tout ce qu’il y a à dire sur le passé, le présent ou l’avenir. Mais elle invite tout le monde à participer à une histoire dans laquelle chaque personne à un rôle à jouer, quel que soit le dossard qu’elle porte.

Renouer avec la réalité

Dans notre monde numérique, où les interactions humaines peuvent être réduites à des avatars, la reconnaissance des territoires me rappelle qu’il y a des personnes spécifiques dans des lieux spécifiques derrière le contenu et les produits que je consomme.

L’histoire chrétienne de la rédemption est centrée sur Dieu qui vient vivre dans un contexte spécifique. Tu peux encore aujourd’hui te rendre sur les lieux où Jésus, Dieu en chair et en os, est né, a grandi, a enseigné, a guéri, est mort et est revenu à la vie. Ces lieux physiques ont façonné les personnes qu’il a rencontrées, la manière dont il a enseigné et les endroits où il a prié. Lorsque je suis sur mes appareils numériques, j’ai tendance à oublier que ma journée est également façonnée par mes voisin.e.s et ma promenade matinale, le temps et la vue par la fenêtre.

Tomber sur une reconnaissance des territoires en ligne est l’occasion de réimaginer ce que je vois: le numérique n’est pas déconnecté des personnes réelles dans des lieux réels.

Il y a plus que la reconnaissance des territoires

Bien sûr, la reconnaissance des territoires est plus qu’un rappel agréable d’être dans un endroit spécifique, avec des gens spécifiques, en raison d’une histoire spécifique. Et elles ne concernent certainement pas que moi, une colonisatrice ayant des racines en Allemagne, en Suisse et dans les îles britanniques.

Elles ne sont pas créées pour être confortables, mais pour mettre en évidence une tension: les colonisateur.trice.s n’ont pas droit à la terre, même s’ils sont légalement autorisés à y vivre par des traités. Mais peut-être que le fait de comprendre la reconnaissance des territoires sous un angle différent aidera les gens comme moi à se pencher sur l’inconfort: Et s’il ne s’agissait pas de politique, mais d’être un.e humain.e sain.e, ancré.e dans le monde bon, physique, relationnel et historique de Dieu?

J’écris ces lignes depuis une terre couverte par la ceinture wampum Dish with One Spoon, une alliance sacrée entre les nations Anishinaabe et Haudenosaunee, les premiers gardiens de ce lieu magnifique et particulier; je remercie Dieu pour eux et je lui ai demandé de faire de moi quelqu’un qui soit une bonne amie de ces peuples.

D’où lis-tu ce texte?
Note de la rédaction : Tu t’interroges sur l’histoire de la terre sur laquelle tu te trouves? Consulte le site native-land.ca pour obtenir une carte.

Au sujet de l'auteur

Sam Robins

Sam aime écrire: des articles de blogue, des nouvelles, de la poésie, et même des travaux universitaires au McMaster Divinity College, à Hamilton, ON. Sinon, tu trouveras probablement Sam en plein air, que ce soit sur une bicyclette, dans un canoë ou quelque part perdu dans les bois.