Série sur les habitudes missionnelles 

Et si on prenait l’habitude de manger en compagnie de trois personnes différentes chaque semaine?

Habitudes missionnelles avec un logo représentant un soleil au-dessus des montagnes.

L’idée derrière l’habitude

Cette habitude missionnelle est probablement la plus intuitive et la plus simple à comprendre. Je veux dire, comment pouvons-nous espérer rayonner et être un témoignage si on reste toujours dans son coin en solo? Or, manger est une occasion facile de passer du temps avec les autres. 

À vrai dire, on retrouve cette idée même dans le séculier; le livre à grand succès Never eat alone par Keith Ferrazzi me vient facilement à l’esprit. On a tendance à sous-estimer l’impact de simples repas partagés. Dans le milieu des affaires, des rencontres et des conversations importantes se font régulièrement autour de repas, de collations, de cafés ou même d’un verre (ou deux…). Le fait de prendre le temps de manger avec quelqu’un ouvre souvent la porte à une plus grande intimité avec la personne (fondement de la plupart des dates). Alors pourquoi ne pas nous servir de nos repas pour le Royaume de Dieu? Après tout, tout le monde mange.  

Des hommes assis autour d'une table en train de manger ensemble. Manger avec notre prochain.

De plus, sur le plan spirituel, nous sommes continuellement formés, influencés, par nos habitudes alimentaires.(1) La personne moyenne mangera plus de 89 790 repas au cours de sa vie : la façon dont ces repas sont pris peut assez facilement façonner un individu et le rendre plus patient ou pressé, plus solitaire ou solidaire, plus soucieux des autres ou centré sur soi. Et si on mangeait de sorte à développer le fruit de l’Esprit, du Royaume, dans notre vie? Et si manger pouvait faire de nous un.e meilleur.e disciple?

Le fondement chrétien de l’habitude

En fait ici, je pense surtout à Jésus et à l’histoire de l’Église qui suivait ce Jésus. 

Parce que Jésus, rappelons-le, était reconnu pour manger régulièrement avec les autres! Je trouve ça intéressant parce que d’un côté on sait très peu de choses sur lui qu’on pourrait considérer essentielles aujourd’hui. Quelle était son apparence? Était-il extraverti ou introverti? C’était quoi ses qualifications? Son niveau d’études? On ne peut que supposer des choses mais par contre, ça – on le sait noir sur blanc :  « Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant … » (Lc 7.34).(2) On sait que les pharisiens et les religieux lui reprochaient de partager ses repas avec des fréquentations peu recommandables. C’était pas juste un « à-côté », recevoir l’hospitalité était une pratique très récurrente pour lui (Lc 5.29; Mt 8.14-15; Lc 10.38; Mt 26.6-7; Lc 19.5-7; Lc 24.29) ; ses douze disciples auraient été présents à chaque party et réception depuis le début de son ministère.  

Des personnes assises autour d'une table de pique-nique en train de manger ensemble. Manger avec notre prochain.

Notre premier point est donc que l’exemple de Jésus nous invite à partager nos repas. Mais la question se pose : ses disciples ont-ils continué par la suite? 

À vrai dire, si on se fie à l’opinion de l’empereur romain Julien (4e s.), les chrétiens avaient tellement l’habitude de manger ensemble, avec leurs fameux repas agapes, qu’ils étaient en train de « corrompre » son empire (le pauvre!). Là on parle d’une sorte de socialisation radicale qui est en train d’affecter une société et son gouvernement! C’est pas rien! 

Des livres entiers (3) ont été écrits sur l’obstination des premiers chrétiens à pratiquer l’hospitalité et à venir en aide aux plus démunis – et devinez quoi – plus souvent qu’autrement, les repas faisaient partie de l’équation! Le point est que le fait de manger avec notre prochain fait littéralement partie de l’ADN de l’identité chrétienne. Manger est une pratique chrétienne centrale depuis le tout début, et pas seulement de manière sacramentelle (comme la Cène ou l’Eucharistie), mais aussi de manière missionnaire, en tant que moyen d’exprimer l’amour à tous.(4) Plus encore, manger avec les autres peut être perçu comme une pratique profondément théologique ; ça reflète le caractère même du Dieu trinitaire. 

Et comme le disent si bien Alan Hirsch et Lance Ford : 

Partager régulièrement des repas ensemble est l’une des pratiques les plus sacrées auxquelles nous pouvons nous livrer en tant que croyants. L’hospitalité missionnaire est une formidable occasion d’étendre le Royaume de Dieu. Nous pouvons littéralement entrer dans le Royaume de Dieu en mangeant! Si chaque foyer chrétien invitait régulièrement un étranger ou un pauvre chez lui pour un repas une fois par semaine, nous changerions littéralement le monde en mangeant! (5)

Une personne donnant un bol de nourriture à une autre personne.

Astuces pour développer l’habitude

Sur une note plus pratique, voici quelques conseils, trucs et astuces en méli mélo. 

  1. Bâtis l’habitude sur ce que tu fais déjà. Par exemple, à ton milieu de travail, évite de manger à ton bureau à midi et rends-toi à la salle à manger. Si tu fais du télétravail mais que tu aimes sortir avec des amis, essaie de le faire avec plus de personnes (plus grand groupe ou plus souvent). Sinon, les fêtes ça existe : profites-en! Ça veut aussi dire que si tu n’as pas du tout cette habitude, vas-y graduellement.
  2. Évite de manger « à la façon du monde ».  Paul critique la façon de manger des chrétiens dans 1 Cr 11.17-22 puisqu’ils mangeaient à la manière des Corinthiens, c’est-à-dire en favorisant un environnement élitiste qui négligeait les pauvres. C’est dans ce contexte qu’on retrouve les fameux versets 23-38, où s’examiner soi-même, c’était se demander qui on a tendance à exclure et à faire preuve de favoritisme. C’est un excellent exercice pour nous aussi. Et si on pouvait apprendre de ceux qui sont pauvres ou juste différents de nous?
  3. Le fait d’accepter une invitation de quelqu’un ne signifie pas qu’on est d’accord avec lui sur tout. Je pense que des fois, on se met juste trop de pression et on a peur d’insinuer des choses qu’on ne veut pas insinuer (donc d’être un mauvais témoin). Mais je trouve ça intéressant que ça ne semble pas être un souci pour Jésus dans les Évangiles.(6) Qu’est-ce notre hésitation pourrait vouloir dire sur nous et sur notre coeur (positivement et négativement)? Et comment peux-tu confier tes inquiétudes à Jésus et le laisser t’encourager, t’enseigner, voire t’accompagner à ces repas?  
  4. Le plus étonnant est le contexte du repas, le mieux. Un pasteur sénior qui accepte l’invitation d’une voisine à sa soirée poker et margherita, ça surprend plus que ce même pasteur qui invite cette même voisine à un repas familial le dimanche après-midi. Tente – avec sagesse (!!!) – de sortir de la boîte et d’aller à la rencontre de gens et de contextes qui ne te ressemblent vraiment pas. 
  5. Point super important : vise un mix! Si tu as tendance à te tenir avec des chrétien.ne.s, sois plus intentionnel avec tes amis qui n’appartiennent pas à la foi chrétienne. Si tu tends à t’entourer de gens qui ne connaissent pas Christ (ce qui est merveilleux : n’arrête surtout pas!!!) va manger avec une personne de ton Église ou d’un groupe chrétien à ton école. 

Tout ça pour dire que je t’invite à essayer cette habitude avec moi. 🙂  


Défi : partage un repas avec trois personnes cette semaine, dont au moins une qui n’est pas membre d’une Église.


Trois femmes partageant un pique-nique sur une couverture avec vue sur un coucher de soleil en montagne. Manger avec notre prochain.

Pour aller plus loin

  • Lire le livre de Tim Chester, A Meal with Jesus (non disponible en français hélas!) – c’est vraiment l’un des meilleurs livres qui existent sur le sujet. 
  • Si t’es particulièrement désespéré.e et à court d’idée, voici quelques suggestions où tu peux potentiellement rencontrer des inconnus autour d’un repas :
    • Participe à des événements de quartier et à ton centre communautaire local. 
    • Cherche sur Facebook ou sur Discord des groupes de type hobby ou quartier (il y en a, par exemple, qui organisent des sorties de groupe au restau). 
    • Invite un itinérant à manger au casse-croûte du coin avec toi. 
    • Demande à la prochaine personne immigrée que tu rencontres si elle s’est déjà fait inviter à souper dans un foyer québécois. Si elle répond que non, invite-la sur place! (J’ai fait ça avec une madame de Marketplace et elle ne touchait plus terre!)

Note de l’éditrice : Cet article est le troisième d’une série (de douze) qui présente les 5 habitudes missionnelles développées par Michael Frost dans son livre Surprise the World! Chaque habitude sera couverte par deux articles : une présentation et une histoire. Nous espérons que cette série te donnera des idées et des outils sur la manière de vivre ta foi dans le monde, afin que tu sois prêt.e à répondre à toute personne qui s’interroge sur l’espérance qui est en toi (2 Pierre 3.15-16). 


 1 Mangeons-nous seul ou en communauté? Sommes-nous pressés ou prenons-nous le temps de savourer chaque morceau? Est-ce qu’on pense à rendre grâce à Dieu ou est-ce que le fait seulement avec d’autres chrétiens autour de nous? Est-ce que l’hospitalité – la recevoir et l’offrir-  fait partie de nos habitudes (comme la Bible nous l’ordonne)? Mangeons-nous uniquement avec des gens qu’on connaît bien/déjà ou gardons-nous une place pour l’étranger? Est-ce qu’on offre un aspect du repas aux autres ou est-ce que c’est plus chacun pour soi? Est-ce que les seules fois qu’on invite les gens à manger chez nous, c’est pour épater la galerie?

2 À ce propos, voici une observation fort intéressante qui vient du pasteur Tim Chester (A Meal with Jesus). Il y a deux autres phrases qui commencent pareille dans les Évangiles : on a « le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup » (Mc 10.45) et « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19.10). Alors que ces deux descriptions expliquent le but du ministère de Jésus, Luc 7.34 viendrait plus expliquer son moyen. Question : comment Jésus faisait-il le ministère? Réponse : en mangeant et buvant. Hmm. Comme on dit en anglais : « Food for thought! »

 3 Rodney Stark, The Rise of Christianity; Christine, Pohl, Making Room, etc. 

4 Voir ce vidéo qui résume le travail de recherche du théologien québécois Jean-Yves Cossette par rapport à la place du repas du Seigneur dans la mission de l’Église. C’est fascinant et super accessible! 

Right Here, Right Now, 2011, traduction libre

6 Craig L. Blomberg, Jesus’ Meals with Sinners

Au sujet de l'auteur

Élizabeth Lecavalier

Originaire de Laval, Élizabeth vit à Montréal, où elle exerce un ministère comme aumônière avec P2C-Étudiants. Elle est également étudiante au doctorat à l’Université Laval et possède beaucoup trop de livres pour un être humain normalement constitué. Elle est plus heureuse lorsqu’elle savoure une bonne tasse de café (ou une bonne histoire!) ou lorsqu’elle explore le parc du Mont-Royal avec sa sœur.