En juin, l’équipe francophone de P2C à Montréal s’est rassemblée pour trois semaines intensives de réflexion, de prière et de formation sur la façon d’atteindre la prochaine génération au Québec avec l’Évangile. Nous trouvons qu’il y a moins de participation en général aux activités du ministère sur les campus au Québec et nous voulons apprendre à nous adapter (s’il le faut) pour mieux atteindre les jeunes. Nous étions bénis d’avoir quelques invités parmi nous, soit des missionnaires d’expérience qui connaissent bien le Québec.

Voici ce qu’ils avaient à nous dire :

  • Wesley Peach, qui œuvre au Québec depuis plus de 30 ans, connaît bien le terrain. Il est doyen académique à Parole de Vie Béthel, à Sherbrooke, et chargé de cours à l’École de Théologie Évangélique du Québec. Un grand penseur et observateur, il a fait beaucoup de recherches sur la conversion des jeunes chrétiens évangéliques et sur le mouvement protestant au Québec depuis 1960. Il nous a aidés à réfléchir sur ce sujet : comment l’Évangile peut-il répondre aux questionnements de notre génération? En résumé, il a dit que l’Évangile a répondu à différents besoins ressentis dans différentes cultures du monde tout au long de l’histoire de l’église. Aujourd’hui, ce que recherchent les jeunes dans les cultures occidentales (comme celle au Québec), c’est surtout une communauté (virtuelle et physique) réparatrice et réconciliatrice face aux multiples injustices sociales et raciales. Un aspect important de l’Évangile, c’est la réconciliation (Éphésiens 2.12-16 [BDS] : « … Il voulait aussi les réconcilier les uns et les autres avec Dieu et les unir en un seul corps, en supprimant, par sa mort sur la croix, ce qui faisait d’eux des ennemis. ») Ainsi, Wesley Peach propose l’Évangile de la réconciliation comme une option à explorer.
  • Depuis 1983, Glenn Smith est directeur général de Direction Chrétienne à Montréal, un ministère engagé à voir Dieu transformer les milieux urbains par l’entremise de chrétiens engagés dans le monde francophone. Il enseigne la théologie et la missiologie urbaine dans deux facultés de théologie protestantes au Québec. Il a remarqué que même si la majorité des Québécois ont délaissé l’église catholique depuis plusieurs décennies, la spiritualité est en hausse au Québec. Pourtant, il voit trois tendances lourdes dans la société québécoise qui limitent cette spiritualité ou recherche de transcendance : (1) l’hyper-individualité, (2) l’hyper-consommation et (3) l’hyper-sexualisation. Ce sont des tendances qu’on retrouve partout dans l’Occident, mais ce qui est différent au Québec, c’est l’ampleur de ces tendances et la vitesse avec laquelle elles ont pris le dessus. Selon Glenn Smith, si nous voulons atteindre les Québécois, nous devons vivre ouvertement l’évangile en groupe (communauté) dans le quartier et non pas seulement dans une relation personnelle (privée) avec Jésus. Une communauté de chrétiens qui s’aiment et qui servent les autres, ça se remarque dans une société hyper-individualiste qui souffre de solitude. De plus, le christianisme a une haute estime pour le corps humain et prône la pratique d’une sexualité saine ainsi qu’une simplicité de vie face à l’hyper-consommation. Glenn Smith voit l’évangélisation comme l’art de guider les gens et de leur apporter un contenu (le message de Jésus) à leurs croyances à la carte.
  • Gilles Marcouiller, un chrétien évangélique de première génération au Québec, est implanteur d’églises, théologien et professeur. Récemment, il est devenu titulaire de la nouvelle chaire de recherche en missiologie protestante évangélique à l’Université Laval au sein de la Faculté de théologie et de sciences religieuses. Il est un grand penseur qui a aussi beaucoup d’expérience pratique sur le terrain. Il nous a expliqué que les années 70 au Québec était un carrefour entre le postcatholicisme et la sécularisation. C’est dans ce contexte que le christianisme évangélique a pris son essor au Québec. Les gens se convertissaient très facilement à cette époque et de nombreuses églises évangéliques ont été implantées, mais depuis les années 90, il y a un ralentissement et les églises se demandent pourquoi et sont obligées de réfléchir davantage à la façon d’évangéliser. Pourquoi les méthodes d’évangélisation d’antan (comme le porte-à-porte) ne semblent-elles pas être aussi efficaces? Gilles Marcouiller encourage les chrétiens au Québec à prendre le temps de faire une réflexion plus profonde sur cette question et d’examiner la société et le climat spirituel actuels ainsi que les racines du mouvement évangélique pour savoir comment communiquer l’évangile plus efficacement au Québec aujourd’hui.

Une des conclusions que je tire personnellement de ce temps de réflexion est la suivante : nous devons communiquer un évangile multidimensionnel qui répond à une panoplie de questions, qu’elles soient existentielles, relationnelles, sociétales, spirituelles, politiques, environnementales… bref, des questions concernant la vie dans son ensemble, que ce soit avant ou après la mort.

Afin de leur offrir des réponses pertinentes, il faut être à l’écoute des Québécois de la présente génération et prendre conscience de ce qu’ils se posent comme questions. Voici quelques questions que j’entends dans la société aujourd’hui :

  • Comment régler les injustices sociales et raciales qui divisent la société? Guy Nantel ainsi que d’autres humoristes québécois suscitent la polémique avec leurs propos sur scène jugés racistes, sexistes et homophobes par des membres du public. Des spectacles sont annulés en raison d’accusations d’appropriation culturelle (je pense surtout à l’annulation récente de SLĀV au Théâtre du Nouveau Monde). On veut déboulonner des statues, car elles rappellent les injustices commises à l’égard des peuples autochtones, français et métis. La Charte de la laïcité, qui est proposée comme réponse à la pluralité religieuse grandissante au Québec, est rejetée, car elle serait une atteinte aux droits et libertés. La grève étudiante de 2012 avec son fameux carré rouge, symbole de contestation sociale, aurait contribué à faire tomber le gouvernement libéral au Québec, jugé non respectueux de droits fondamentaux.
  • Comment maintenir une bonne santé mentale? L’anxiété et la dépression, entre autres, sont de plus en plus des sujets de préoccupation. Les campagnes de sensibilisation aux questions de santé mentale se multiplient ainsi que les programmes pour y répondre.
  • Qu’est-ce qu’un homme? Qu’est-ce qu’une femme? Est-il même pertinent d’établir des différences entre les deux? Devrait-on aller plus loin et rejeter la binarité? Dans cette foulée de questions par rapport aux différences, inhérentes ou inventées par la société, entre hommes et femmes, il y a paradoxalement une lutte pour l’égalité des sexes. Une grande majorité de femmes veulent être reconnues comme égales aux hommes en tant que femmes différentes des hommes. Par exemple, elles réclament (et elles ont raison) la parité salariale ainsi qu’une égalité d’accès aux postes de direction dans les domaines des affaires et de la politique. De plus, elles réclament un plus grand respect de la part des hommes (je pense surtout au mouvement #metoo ou #moiaussi qui a envahi récemment les réseaux sociaux et aux multiples accusations publiques d’agression sexuelle portées contre des personnalités bien connues comme Gilbert Rozon, fondateur de Juste pour rire).

Cette liste de questions que je viens de dresser est loin d’être exhaustive. D’ailleurs, ces questions ressemblent beaucoup à celles que se pose le reste de la société nord-américaine. Mais le Québec a aussi des questions propres à lui, surtout par rapport à la « menace » d’engloutissement par la culture nord-américaine anglophone et par la vague d’immigration. Les questions identitaires du Québec sont également fortement liées à son passé religieux unique caractérisé par une homogénéité oppressante.

La Révolution tranquille des années 1960 est essentiellement le rejet de l’autorité du catholicisme, mais les Québécois de la présente génération ne connaissent pas ce que leurs grands-parents ou même arrière-grands-parents ont rejeté. Les jeunes ont simplement hérité du rejet d’une institution et du Dieu défini par celle-ci, et il existe maintenant un vide spirituel. Ce qui agissait comme ciment de cohésion sociale est presque disparu. Sans religion commune, qu’est-ce qui unit les Québécois et les rend distincts? La langue française ou bien une mémoire collective remontant aux jours de la colonie de la Nouvelle-France? Qu’est-ce qu’un Québécois ou une Québécoise? Le nationalisme québécois est-il encore pertinent de nos jours ou est-ce un rêve d’antan qui tombe en désuétude? Je pense à la récente défaite du Parti québécois qui perd de son attrait parmi les jeunes. Je pense aussi au débat qu’a suscité la proposition d’ôter le crucifix à l’Assemblée nationale. Pourquoi cet attachement à un symbole d’une religion massivement rejetée?

Une fois que nous, les chrétiens, aurons vraiment entendu les Québécois de la présente génération et compris leurs questionnements, nous saurons mieux leur répondre. En tant que chrétiens, nous croyons que Dieu a donné une seule réponse à toutes ces questions : Jésus. Trop simpliste comme réponse? Oui, si nous présentons un Jésus unidimensionnel. En tant que chrétiens, nous devons présenter un Jésus qui répond à tous les questionnements de la société québécoise et plus encore. C’est là où nous devons concentrer nos efforts. Nous devons aider les gens à découvrir Jésus sous toutes ses facettes, un Jésus dynamique. Il est « le chemin, la vérité et la vie », Dieu incarné, créateur et artiste suprême, d’une beauté sublime, juste, prince de paix, compatissant, la sagesse personnifiée, humain parfait, roi-serviteur, « doux et humble de cœur », et bien d’autres choses merveilleuses. Jésus est la Réponse, magnifiquement complexe et simple à la fois.

Au sujet de l'auteur

Rachel Touchette

Rachel Touchette s’est jointe à l’équipe de Pouvoir de Changer – Étudiants en 2014 comme traductrice et rédactrice. Les langues et la musique figurent parmi ses plus grandes passions, mais avant tout, elle désire faire connaître Jésus dans la francophonie.