Si quelqu’un me demande de lui dire qui je suis, j’espère que mon réflexe sera de lui répondre que je suis chrétienne.  Je lui parlerais aussi de mon appartenance ethnique et à ma citoyenneté canadienne-nigériane. Mais en fait, c’est plus probable que je commence en disant que je suis étudiante à l’université de Waterloo.

Je lui dirais que j’en suis à ma troisième année et que j’étudie en génie mécanique. Parce que pour être honnête, je me définis d’abord par mon éducation et mon domaine d’études. Je me demande si je suis la seule étudiante qui pense comme ça. Je me demande si c’est une tension pour la plupart des étudiants universitaires chrétiens.

J’ai trouvé que la vie universitaire était une culture en soi. Peu importe ton cours, tu peux sans doute t’identifier à la difficulté de se réveiller et peut-être de ne pas se réveiller pour la classe de 8 heures, de vivre de ramens instantanés et de petits tours au McDonald’s tard dans la nuit, et de réviser un cours entier la nuit juste avant l’examen de mi-session. Je ne sais pas à quoi ressemble ton expérience universitaires, mais c’est ce à quoi ressemble la mienne.

J’aime la vie étudiante des ingénieurs

Aussi stressante et pénible qu’est la culture universitaire, je dois avouer que je l’aime bien. J’aime être une étudiante universitaire. J’aime étudier pour devenir ingénieure. J’aime penser logiquement. Les mathématiques et les sciences me sont venues naturellement à l’école primaire et au secondaire, et l’idée de créer un objet tangible à partir d’une idée ou d’un croquis m’enthousiasme avant de m’effrayer. Je pense que je suis faite pour être ingénieure.

Si mon « esprit d’ingénieure » et mon amour de la culture universitaire, et plus particulièrement celle du programme d’ingénierie, m’ont bien servi dans ma scolarité, au niveau spirituel, ils m’ont aussi posé et me posent encore des difficultés pour comprendre et vivre pleinement ma foi en tant que croyante.

L’un des principes qui m’a donné le goût de m’intéresser à l’ingénierie, par exemple, est le fait qu’il y a peu de place pour l’erreur. J’ai appris que ce domaine repose sur la précision. Lors de la conception, la précision et le souci du détail sont essentiels. Toutes les défaillances possibles doivent être envisagées.

Au cours de ma première année, j’ai appris ce qu’est la tolérance, une pratique de dimensionnement qui consiste à spécifier la quantité d’erreur acceptable pour chaque dimension d’un dessin. Toutes ces actions importantes sont réalisées dans le but de minimiser les erreurs et éviter les conséquences fatales qui peuvent en découler. Le simple fait d’étudier pour devenir ingénieure laisse peu de place à l’erreur. Par expérience, je sais qu’un manque d’attention aux détails ou trop de distractions peuvent conduire à l’échec d’un cours, voire d’une session entière.

Et qu’en est-il de la culture de l’ingénierie elle-même? Une idée répandue est que « ce qui compte, c’est ce que l’on peut faire ». Je reconnais qu’il existe une certaine camaraderie avec les autres de son programme quand on survit à quatre ou cinq années de souffrance académique auto-infligée, mais l’ingénierie reste quand même un sport très individuel. Au bout du compte, je suis la seule responsable de mes succès et de mes échecs. Et j’apprécie cette responsabilité et je m’y épanouis.

Mais, je sais que cette perspective peut créer à la fois de la confiance et de la panique. Les étudiants en ingénierie sont bien connus pour être fiers et se vanter de leurs capacités et de leur intelligence naturelle. Pourtant, la plupart de ces mêmes étudiants en ingénierie vont faire face à la dure réalité que ni les capacités ni l’intelligence ne garantissent l’immunité face aux difficultés de l’école et aux défis de la vie.

Pas de repos pour le méchant, ni pour l’ingénieur

Et voici une autre croyance courante chez les ingénieurs: « Si tu ne t’épuise pas, c’est que tu ne travailles pas assez fort ». Il n’y a pas de repos pour les méchants, et apparemment pas de repos non plus pour les ingénieurs.  J’ai été surprise du nombre de fois où, dans ma première année, j’ai entendu des gens se vanter du peu d’heures de sommeil qui leur permettaient de fonctionner. La culture de l’ingénierie oblige à se pousser jusqu’au bord de l’épuisement total, et même au-delà. Les nuits blanches sont célébrées par mes pairs et, bien qu’elles ne soient pas explicitement encouragées par le corps enseignant, le niveau de travail assigné ne laisse souvent pas d’autre choix aux étudiants.

Trouver de la place pour la grâce

»Tout dépend de ce que tu peux faire » et « Si tu ne t’épuise pas, c’est que tu ne travailles pas assez fort » sont des perspectives m’ont causé le plus de difficultés dans ma compréhension de l’Évangile. Mais j’apprends.

Dieu nous appelle à vivre une vie sainte et irréprochable, mais il y a place pour l’erreur. J’ai appris que cette marge s’appelle la grâce, parce que tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu (Romains 3:23). Comme Paul l’a écrit, on n’est pas en train d’encourager les gens à pécher intentionnellement pour que la grâce puisse abonder (Romains 6:1-2), mais j’ai découvert que vivre sans cesse dans l’inquiétude et me sentir coupable parce que mes actions et mes pensées sont imparfaites n’est pas le christianisme, c’est du légalisme.

Le christianisme n’est pas à propos de ce qu’on peut faire. En fait, c’est tout le contraire.  C’est plutôt ce qu’on ne pouvait pas faire pour nous-mêmes et de ce que Jésus a dû faire pour nous. On n’est pas sauvés par nos actions, notre intelligence ou notre bonté innée, on est sauvés par notre foi en la mort sacrificielle de Jésus sur la croix, en sa résurrection et en son triomphe sur le péché. Ça change tout; si on ne peut pas s’accorder le salut soi-même, comment est-ce qu’on peut s’attendre à ce que la sanctification (devenir plus semblable à Jésus et moins pécher) se fasse par nos propres moyens?

« L’épuisement professionnel est une théologie incorrecte’’

On était dans un groupe de formation de disciple quand l’une de mes amies a dit: « le burnout est une théologie incorrecte ». Elle a continué en ajoutant que si on ressent le besoin de se pousser jusqu’à l’épuisement chaque jour, on devrait réexaminer ce qu’on croit sur Jésus qui est la source de notre salut et le perfectionneur de notre sanctification.

Ses paroles m’ont frappé à l’époque et continuent de me convaincre aujourd’hui. La culture de l’ingénierie m’a appris à me donner à 120 % à mes études, 100 % du temps. J’ai souvent l’impression que faire des pauses, choisir de m’asseoir en silence et me reposer dans la présence de Dieu sont des tâches inutiles. Je suis constamment en train de remplir mon horaire avec des activités que je peux faire pour Dieu et je néglige le simple fait d’être avec Dieu.

Je suis une étudiante en génie mécanique, je suis fière de ma capacité à terminer (occasionnellement) un travail sans erreur, j’aime que mon éducation et mes notes ne dépendent que de moi, et je suis presque toujours épuisée.

Mais je suis aussi chrétienne. Je crois que Jésus est l’auteur et le perfectionnement de ma foi (Hébreux 12:2), et donc j’apprends à chercher la pureté de mon cœur plutôt que de minimiser le nombre de mes péchés. J’apprends que c’est Jésus qui contribue le plus à mon salut et à ma sanctification et que je ne peux pas m’améliorer par mes propres forces et ma propre volonté. J’apprends aussi que passer du temps avec Dieu est plus important et plus précieux que le temps que je passe à faire des choses pour lui. J’apprends à ne pas laisser une culture définir ma relation avec Dieu, mais j’apprends, lentement mais sûrement, à laisser ma relation avec Dieu définir ma relation avec l’ingénierie et la culture universitaire.

Je ne crois pas que c’est une mauvaise chose de se définir par nos domaines d’études respectifs. Je ne pense pas que le fait d’aimer nos programmes ou de se retrouver dans eux soit un péché. Mais je pense que c’est important d’examiner comment nos cultures scolaires entrent en conflit avec l’Évangile et de nous poser les questions suivantes:

Ma vision du monde et mon cadre de pensée se trouvent-ils dans mon programme ou dans la Parole de Dieu? Ma relation avec Dieu influence-t-elle ma vision de mes études, ou est-ce l’inverse?

Peu importe ce que tu étudies, que ce soit la psychologie, l’informatique ou même l’ingénierie, nous sommes tous entourés de cultures ou d’environnements qui influencent nos pensées et nos comportements et qui ont le potentiel d’affecter notre marche avec Dieu. La manière qu’on choisit de se définir est importante pour Dieu et pour nos pairs.

Sommes-nous des étudiants universitaires chrétiens ou des étudiants universitaires qui se trouvent à être chrétiens?

Au sujet de l'auteur

Tofunmi Akinlalu

Tofunmi achève ses études d’ingénierie mécanique à l’université de Waterloo. Elle est étudiante en ingénierie le jour et poète le soir (ou dès qu’elle en a le temps). Sa passion est d’utiliser son art et sa créativité pour amener ceux qui sont proches ou éloignés du Christ à sa Parole et à sa présence.